Titre original
The
Lodger
Réalisation
Alfred HITCHCOCK
Scénario Alfred HITCHCOCK et Eliot
Stannard
D'après une histoire de Marie
Belloc-LowndesAssistant réalisateur
?
Producteur
Directeur de la photo Alfred
HITCHCOCK
Musique
Montage
Chargé de
production
Directeur de
production
PAlfred Hitchcock Inc.
Décors
Costumes
Maquillage
Ingénieur du son , film
muet
Effets
spéciaux
Production
GB
Distribution
Durée
70 minutes
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Une idylle semble s'amorcer
Le scénario a été
tiré par Hitchcock lui-même d’une
pièce à succès de Mrs Belloc Lowndes.
Exploitant le souvenir mythifié de Jack
l’éventreur, le film immerge le spectateur dans
l’épais brouillard londonien, où toutes
les formes se dissolvent, créant une
atmosphère des plus lourdes. Londres est alors en
émoi et les journaux sont couverts
d’énormes manchettes : l’assassin, qui
s’attaque toujours aux jeunes femmes blondes et signe
ses crimes " The Avenger " [le Vengeur], vient à
nouveau de frapper ! " Dans une pension de famille du
quartier où opère habituellement
l’assassin, arrive un étrange jeune homme.
Malgré un comportement déroutant et
inquiétant, la beauté ténébreuse
du nouvel arrivant conquiert le cœur de la jeune fille
de la maison — blonde, faut-il le préciser
—, au grand dam de son fiancé, un policier
.
La suspicion gagne autour du locataire qui a
l’habitude de sortir en cachette la nuit, le jour et
à l’heure précisément où
opère le criminel. Une perquisition, menée par
le fiancé-policier, révèle les
pièces maîtresses de l’accusation : un
revolver, un plan du quartier où sont indiqués
les endroits précis des précédents
meurtres, des coupures de presse et la photo d’une
jeune fille blonde qu’il prétend être sa
sœur assassinée ! C’est avec un plaisir
non dissimulé que le fiancé passe les menottes
aux mains du locataire qui doit descendre l’escalier
sous les regards des logeurs muets. Arrivé dans la
rue, il parvient à s’échapper et fuit
dans le brouillard, essayant de dissimuler ses mains aux
regards des passants. La jeune fille vient le retrouver sur
un banc public et lui offre la protection d’un large
manteau. Il lui raconte qu’il traque le meurtrier de
sa sœur pour la venger. Mais la foule reconnaît
bientôt l’homme menotté et, devenue
meute, s’apprête à le lyncher. Dans une
fuite éperdue, il accroche accidentellement ses
menottes au sommet d’une grille qu’il tentait de
franchir, restant ainsi suspendu (tel le Christ en croix,
souligneront les exégètes) et en butte aux
menaces de plus en plus directes de la foule. Le
dénouement arrive à la dernière
seconde, sous la forme d’un coup de
téléphone de Scotland Yard annonçant
à la police locale l’arrestation du criminel.
La foule excitée manifeste sa déception de
voir sa proie lui échapper et assiste à la
libération du malheureux jeune homme qui aura
bientôt la compensation de convoler en juste noces
avec la jeune fille.
Le
locataire
Les débuts d’Alfred Hitchcock
ou les vertus pédagogiques des scénarios
médiocres
Les films qui viennent à
l’esprit lorsqu’on évoque la filmographie
d’Hitchcock sont bien évidemment ceux de la
période américaine. Plus encore que ses films
anglais des années 30, ceux de la période
muette sont presque complètement tombés dans
l’oubli.
Il faut noter le peu d’enthousiasme
que manifestent généralement les chaînes
de télévision et les salles d’Art et
d’Essai à l’idée de programmer des
films muets.
Le troisième film d’Hitchcock,
The Lodger (1926), exploité en France sous le
titre de L’Eventreur, a rendu d’emblée son metteur
en scène célèbre. Le film n’a
toujours pas une ride et, bien que je l’aie vu
récemment, sa projection à Sacile m’a
procuré un plaisir renouvelé, celui que
produisent les meilleures réussites de la
période américaine de son auteur. Hitchcock
semble être parvenu au sommet de son art, tant le film
fonctionne parfaitement, tel un mécanisme
d’horlogerie suisse où rien ne manque et
où rien n’est en trop.
Le scénario de The Lodger pourrait se résumer à une
simple question : le locataire est-il le tueur ? Et comme on
sait qu’il est d’usage dans les romans policiers
d’orienter tous les soupçons du lecteur sur un
innocent afin de créer la surprise finale, la
réponse ne peut être que " non ". Ainsi
désossé, le scénario parait
passablement plat et l’on s’étonne alors
que Hitchcock ait réussi à en tirer un si
remarquable film. L’intérêt vient de
l’habileté du traitement et en particulier des
détails savamment orchestrés qui tissent une
toile où l’intérêt du spectateur
est bientôt solidement capté. Ainsi, une
enseigne lumineuse s’éteint et s’allume
au début du film : " To-night, golden curls " (Cette
nuit, boucles blondes), tandis que l’on nous apprend
que les victimes sont toujours des jeune filles blondes. La
répétition de cet élément fait
monter la tension chez le spectateur. Lorsque, dans un
tête-à-tête du locataire et de jeune la
fille de la maison, celui-ci caresse ses cheveux en lui
déclarant : " Beautiful golden hairs ! ", le
spectateur est renforcé dans ses soupçons et
ressent un frisson en songeant au danger que celle-ci
encourt. A la fin, lorsque le véritable coupable est
arrêté, nous revoyons, comme une menace
désormais désamorcée, l’enseigne
lumineuse du début.
The Lodger, c’est aussi une presse à sensation
omniprésente, qui entretient l’angoisse
d’une foule à la fois craintive et
fascinée par le meurtrier (on pense parfois à
M. le Maudit ). Le film tire toute sa force du pouvoir
des images — gros plans rapides sur des visages et des
objets hautement signifiants ou symboliques, scènes
nocturnes influencées par l’expressionnisme
allemand — et le recours aux intertitres s’en
trouve ainsi considérablement réduit. Cette
extrême économie littéraire à
laquelle Hitchcock s’est astreint dans ses films muets
l’a conduit à une rigueur narrative et à
une précision dans la direction d’acteurs
auxquelles devront beaucoup ses meilleurs films sonores. Le
rôle du locataire est fort bien servi par Ivor
Novello, séduisant jeune premier alors fort en vogue,
auquel Hitchcock fera à nouveau appel dans Downhill,
l’année suivante.
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